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jeudi 15 juillet 2010

HOMMAGES

- I -


- … Merci.

Une porte est soigneusement fermée. Attenante, une bibliothèque pour enfants, fournie en BD, Bibliothèque Verte, Rose et autres. Au-dessus, un paquet de mouchoirs à portée de mains.
En vis-à-vis, un store, déroulé sur une fenêtre haute et étroite, joue à cache-cache avec les rais que filtrent, juchés sur les buildings, les nuages. Au-dessous, un radiateur électrique.
Sur le côté, un banc, simili : trois planches de bois revêtues d’un skaï lézardé bleu-noir, biseautées, sans dossier, à même contre un mur bleu. Le skaï légèrement échancré, un maillage blanc se découvre, susceptible de s’agrandir sous les allées et venues d’un doigt qui égrène nerveusement les secondes où à chaque millième, une clé s’échappe.
En face, un second banc tout lisse, uni, à trois pas.

J’ai dû prendre appui sur ce banc dur et abîmé. Hélas, enfin, c’était le temps de se lever. J’ai enfilé mon cuir et saisissant fermement ma clé, je l’ai embrassée. Rapidement, les yeux baissés. Deux pas pour traverser la porte, cinq pour la deuxième, ne pas oublier d’éteindre la lumière, j’ai dévalé l’escalier, soulagée, pour un temps. Garder ce que j’avais reçu en moins de deux heures, surtout ne pas se le laisser voler en deux minutes, telle était mon obsession. Je suis remontée à pied, retour à la case. Puis un, deux, trois jours et finalement sept.

- … Merci.

Elle est partie.
Je suis triste.
Mais non, je ne dois pas voyons ! J’ai de la compassion, oui c’est ça de la compassion. Voilà, c’est mieux comme ça.


Encore une, une personne, un fardeau de plus.
Quand même c’est choqu…pas très bie.. … Arrête ! Qui suis-je pour la juger ? Et moi alors…
La grâce seule… la grâce seule… la grâce…


Ou bien

C’était dur cette fois-ci, une fois de plus, encore une.
Jusques à quand ?
Une fois n’a donc pas suffit pour qu’elle comprenne ?
Je suis fatiguée, et moi, et mes soucis alors… J’arrête.. J’en ai marre… J’abandonne.


Ou encore

Je l’aime bien cette petite…. Oui je l’aime bien.
Si seulement je pouvais porter ses souffrances, je le ferai.
Oui, je le ferai.


Il me serait facile de conclure que la vraie réponse est un patchwork des trois ou bien qu’elle est tout autre. A vrai dire, à ce jour, je n’en sais fichtre rien.


- II -



Des profondeurs de l’escalier, on entend des pas qui vont et viennent.
Les gens parlent et rient, avec éclats.
La porte est soigneusement fermée.
Est-ce qu’il pleut ? Où est le soleil ?
Un sfumato de store, nuages et buildings.
Le radiateur chauffe.
D’un côté, le maillage blanc se dilate.
La clé est tombée.
De l’autre, le paquet de mouchoirs est descendu.
En face, le second banc, est vide.

- …. A quoi tu penses ?
- …Rien…
- Il y a quelque chose d’autre qui te soucie ?
- … Non, non… ça va.

J’étais sincère… Mais tout restait difficile et mon visage imprimait avec fidélité mes pensées. C’était encore plissé et tordu. Une vague figée sur mon front, retenue au sein de l’arc tendu de mes sourcils.

- … Merci.

Et je m’enfuis.

Pourquoi ne me dit-elle pas tout ? Je pensais qu’elle me faisait confiance. Je vois bien qu’il reste quelque chose.
Comment puis-je atteindre les cieux si elle se cache ?


Oui, c’était vrai.
Malheureusement.

C’est toujours aussi triste… Mais j’étais pressée, il fallait que je parte.


Oui.
Ce n’était pas facile. Finalement, c’était comme une consultation. Difficile de se sentir comme un cas à traiter. Sans doute avais-je tort ! Enfin, les doutes subsistaient, toujours.

Je me soucie d’elle, c’est un fardeau que je porte avec Toi.
Oui, vraiment.


Oui, c’est ce qu’elle a fait.


- III -



Personne, le silence.
La porte était fermée.
Il faisait beau. Le ciel dégagé, la pièce était inondée de lumière, le store transfiguré.
Le radiateur était allumé.
Nous étions assises sur le banc échancré.
J’avais laissé ma clé dans mon cuir.

- Amen
- Merci.

Le dernier d’un cycle brisé. Le temps pouvait avancer et la vie continuer.
J’avais mis cartes sur table.
Tout.
Tout était dit.
Tout était transparent.
J’étais libre. Libre de lui demander de me prendre dans ses bras sans attendre son accord pour m’y réfugier.

- Tu vas me manquer
- Toi aussi
- C’est sincère

Le cycle s’est linéarisé et l’écriture fut libérée.

La phrase échafaudée, s’élargit.
Un mot puis un autre, elle s’appuie sur la virgule et
Respire.

Trop
Trop de mots,
Associés en piles et au front de face
Dans ma tête
Un paradoxe
Un dilemme
Une voie sans issue.

Les virgules se sont estompées
Les mots s’entassaient
Le poids des mots.

En extirper
Un
Si seulement, mais
Le trait d’union était tracé.
Et l’étirer jusqu’à ce qu’il claque…

Rien ne vaut une franche cassure
L’artefact est brisé
Liberté

Les virgules sont descendues, la phrase s’est bâtie.
Alors enfin le texte
Respire.



« Parler » quand ça ne va pas, c’est très simple comme verbe, ça relève de la foutaise, c’est complètement idiot et pourtant.
Dire, proclamer, implique, engage, consume.
Alors, je ne suis pas loin de recevoir pour avancer.
Parler, construire des phrases, laisser circuler le souffle de vie et
Respirer.

Voilà ce que j’ai appris.

Merci à tous deux.

Inde, Avril 2007

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